Article paru dans le moniteur de l’Ariège du 30 juin 1901
Jusqu’ici nous admirions tout ce que l’œil peut découvrir de la belle vallée de Rabat, admiration hélas ! tempérée par le regret de ne pouvoir embrasser l’ensemble et de remonter, sous bois, jusqu’à
sa source (Etang bleu ou Blaou, cette rivière au cours mystérieux qui ne se révèle bien qu’aux approches de Gourbit, c’est-à-dire vers l’endroit où les ruisseaux de Gourbit et de Rabat, mêlant leurs
eaux, prennent le nom de Gourbière. J’écris à dessein « Gourbière » et non « Courbière » et je vais dire pourquoi : Si je cherche l’étymologie de « Gourbière » je trouve « Gourbit » et « ruisseau de Gourbit », tandis que si je cherche l’étymologie de Courbière, je ne trouve absolument rien, pas même « courbe », cette rivière n’étant pas plus sinueuse que da plupart des cours d’eau. J’ajouterai que sur la carte par département, Adolphe Joanne écrit « Gourbière». Pourquoi écrit-il « Gourbière » dans le
texte de son « Guide-Pyrénéen » et dans sa géographie de l’Ariège ? Ah ! l’on pourrait bien s’en tenir à « Rivière de Rabat » le seul nom que connaissent les habitants de cette vallée !
J’ai parlé de l’Etang bleu (ou Blaou) : qui ne se sent pris du désir de visiter une petite « Méditerrannée » au sommet de nos belles et chères montagnes ? Formons le projet de faire une si séduisante ascen-
sion et ajournons en la réalisation jusqu’à la fin de l’été, car il serait téméraire de l’entreprendre en dehors des mois d’août ou septembre. Je vous conseillerai, cher lecteur, si vous vous décidez à faire cette excursion, d’aller coucher à Rabat, la veille. Ce sera une excellente occasion pour admirer sa
belle église (xii* et xv° siècles) avec ses trois nefs et ses rétables, en particulier celui du Maître-Autel.
Après avoir visité l’église, si vous voulez, comme ne manquait jamais de le faire le héros chrétien qui fut le général de Sonis, rendre une visite au pasteur de la paroisse, entrez au presbytère. Vous trou-
verez là, parfaitement ingambe, une des victimes de Portet-Saint-Simon ; un prêtre pieux et zélé qui sera heureux de vous renseigner et peut-être de vous procurer des compagnons de route. Et s’il
peut vous accompagner jusqu’à la sortie du village, malgré vous, vous vous reporterez à plus d’un siècle en arrière, au temps où pour tous ses paroissiens lé curé était un père vénéré, un conseiller, une
providence. A chaque pas vous verrez les hommes se découvrir et, sur leurs portes, les femmes et les enfants se lever. Et M.le Curé avec son bon naturel et sa bienveillance répond à toutes ces attentions
par d’autres attentions.