1 Jour – 1 Légende

La légende du trésor de la roche de la Môle

Un cop !

Depuis plusieurs heures Philipou, le petit pâtre cherchait  un petit agneau égaré. A mesure que le temps passé, sa peur du châtiment du maître  grandissait, L’espoir de le retrouver vivant diminuait. Il faut dire qu’à cette époque de l’année, les loups, ours, renards, affamés s’aventuraient certaines nuits, jusqu’aux portes des maisons.

 Alors qu’il descendait du Cardet, Philipou entendit un son de tambourin. Intrigué, il longea les murettes de pierres et se rapprocha à pas furtifs d’où venait cette étrange musique.

D’abord, il n’en crut pas ses yeux, ce qu’il vit le cloua sur place. Portant des torches de poix noires aux flammes tremblantes à la main, des hommes remontaient les prés chevauchant des boucs aux longues cornes.  Des femmes en grandes robes noires arrivaient de la plaine à califourchon sur des balais, des fourches… Tous se dirigeaient vers la roche de la Môle. Là assis, tel  un roi, un homme enveloppé d’une grande cape noire à capuche,  le visage recouvert d’un masque de bouc, recevait les hommages de ses personnes bizarres. En hommage ceux-ci déposaient aux pieds de celui qu’elles semblaient vénérer, des bouquets d’herbes, des plantes, fougère, gui, ciguë.

Ces hommes et femmes chacun à leur tour, faisaient un compte-rendu de leurs actions, des maléfices qu’ils avaient pratiqués ; l’homme bouc les félicitait  d’une façon d’autant plus bienveillante, qu’ils avaient fait plus de mal.

Malgré un sentiment de malaise étrange qui commençait à le gagner, Philippou derrière sa haie de noisetier observait toute la scène, les yeux écarquillés de curiosité.

Un gong résonna.  Tout le monde se rassembla en cercle autour de la roche. Ils se mirent à crier en levant les bras vers le ciel :

  • Ave, Satan ! Ave, Satan !
  • Nous t’invoquons, prince des ténèbres, écoute nos requêtes.

Malheur ! Philippou venait de comprendre, que sans l’avoir voulu, il assistait à une cérémonie de Sabbat et que toutes ces personnes présentes étaient des sorciers et sorcières, et leur maître le Diable.

Philippou voulu s’enfuir, mais ses pieds semblaient avoir pris racine dans le sol. Il ne pouvait arrêter les frissons d’effroi qui parcouraient son corps. Il fit comme sa grand-mère lui recommandait,  un signe de croix pour se protéger et récita plusieurs Pater.

Dans le halo des bougies noires, le grand-prêtre au masque de bouc se leva, et entonna des psalmodies reprisent en cœur par les assistants.

— En ton nom, nous demandons : mort aux faibles, et longue vie aux puissants que nous sommes.

Il prononça dans un murmure,  une formule sans doute magique, car Philippou vit le rocher de la Môle tourner sur lui-même, laissant apparaître un grand trou, une sorte de puits.  Sortant de leurs poches des  bourses, les sorciers et sorcières jetèrent dans la cavité, bon nombre de pièces d’or.

Mais Philippou n’était pas au bout de ses surprises.

Il vit arriver deux hommes tirant une bête par une corde. Le pauvre petite animal roulait des yeux effarés et refusait d’avancer. Il crut défaillir en reconnaissant son agneau. Quand la grande lame s’enfonça dans la gorge de la bête, Philipou dut se mordre la main jusqu’au sang pour ne pas hurler,  car s’il avait été découvert, c’est lui qui  prendrait la place de l’agneau au sacrifice, il en était sûr. Il se couvrit la face de ses mains et pleura son mignon agnelet. Quand il releva les yeux, il vit les sorcières récupérer le sang de l’agneau dans des écuelles d’argent. A  leurs pieds, un chat noir avec des yeux verts et des griffes de lion se délectait de ce nectar.

 Alors commença une étrange cérémonie. Après les offrandes, le temps des réjouissances arriva pour les suppôts du Diable. Dans un murmure grandissant, une procession se forma et tourna autour de la roche.   Les femmes se mirent à danser au son d’un tambourin. D’abord une danse imitant les papillons de nuits, elles bâtaient des bras, puis la danse devint sensuelle, les sorcières s’embrassèrent, pour finir dans une danse… endiablée… hystérique. Elles s’arrachèrent et déchirèrent leurs vêtements. Sous leurs pas des éclairs verts jaillissaient.

La danse se termina au moment où le chant du coq annonça les premières lueurs du jour. L’énorme bloc de pierre, gardien du trésor de la Môle, pivota et reprit lentement sa place. Dérobant pour une année ses trésors aux yeux des hommes. Chacun enfourcha sa monture et  retourna chez lui, comme il était venu, sur un balai ou sur le dos du diable.

Philippou est revenu sur les lieux quelques jours plus tard. Mais en essayant d’ébranler la roche, il fut piqué par une énorme couleuvre de plus de deux mètres de long, sortie d’un trou,  sans doute la gardienne du trésor.

Quand il confia son aventure à ses parents il lui fut répondu :

«Que cela te serve de leçon, sache désormais te défendre des tentations que le Diable sème sur la route des âmes pour mieux les entraîner à leur perte.»

Cette couleuvre existe toujours, on l’aperçoit à chaque fenaison, si l’on fauche  trop près de la roche de la Môle.

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