Article de La Dépêche
Ours en Ariège : « C’est une aberration qu’on attaque les effarouchements », certains acteurs craignent une « année dramatique »
Jacques-Olivier Badia
Bien que le Conseil d’Etat ait refusé, le 30 mai, de suspendre l’arrêté ministériel encadrant l’effarouchement de l’ours, les acteurs ariégeois de la montagne craignent que l’été 2023 ressemble à celui de 2022 : une cascade d’arrêtés préfectoraux l’autorisant, et une cascade d’actions visant à les invalider.
Alain Servat, le président de la Fédération pastorale de l’Ariège, en est certain : « Bien sûr qu’ils vont attaquer! Le Conseil d’Etat a du bon sens, mais j’ai peur que ça reparte comme l’année dernière. » « Ils », c’est l’association animaliste One Voice qui, en août 2022, a obtenu par trois fois la suspension des arrêtés préfectoraux autorisant l’effarouchement de l’ours sur plusieurs estives ariégeoises. Et qui, ce mardi 30 mai, s’est vue déboutée par le Conseil d’Etat, à qui elle demandait de suspendre l’arrêté ministériel du 4 mai dernier encadrant cette technique d’éloignement de l’ours.
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Mais non sans annoncer son intention d’attaquer les arrêtés préfectoraux à venir, et c’est bien là que le bât blesse. « J’ai peur que l’Etat n’ait pas trop avancé sur le côté juridique de l’arrêté, relève en effet Alain Servat, et c’est là qu’ils vont attaquer puisque rien n’a changé : il faut toujours que les groupements pastoraux remplissent au moins deux conditions pour qu’il y ait effarouchement. Et encore, un effarouchement simple, c’est-à-dire des pétards et une corne de brume. »
Un cadre juridique inchangé et pas de « légitime défense »
La présidente du conseil départemental de l’Ariège ne dit pas autre chose. « Je ne suis pas de nature pessimiste, mais là je ne suis pas d’un optimisme délirant, reconnaît Christine Téqui. La décision du Conseil d’Etat, c’est le cadre, mais la déclinaison est préfectorale, c’est arrêté par arrêté, le cadre juridique ne change pas. Et comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, ça va remettre la pression sur le territoire. »
De quoi frustrer celle qui, avec une délégation composée d’Alain Servat, des trois parlementaires ariégeois et d’une représentante de la chambre d’agriculture, avait rencontré le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, le 27 octobre 2022. Elle qui évoquait alors « une réunion d’une grande qualité » fustigeait pourtant, il y a deux semaines, l’absence d’avancées dans le dossier de l’ours.
« On avait parlé de cette question d’asseoir les arrêtés ministériels sur la notion de légitime défense, rapporte-t-elle, mais s’il n’y a pas de sécurité juridique au niveau du Code de l’Environnement, les arrêtés seront attaqués. On n’est qu’à la première étape, et on va se retrouver dans la même situation que l’été dernier. »
La crainte d’une « année dramatique »
Alors que deux randonneuses auraient croisé le chemin d’un ours, fin avril dans la réserve d’Orlu, que des traces d’ours ont été signalées le 16 mai dernier à Lapège, dans la vallée du Vicdessos, la présidente du conseil départemental craint « une année dramatique » : « Il y a plus d’ours et il n’y a pas de mesures palliatives, alors que les situations peuvent être dangereuses, argumente-t-elle. C’est dommage que ces associations ne se rendent pas compte du travail des groupements pastoraux, et de la difficulté de ce travail. »
Alain Servat va même plus loin. « Pour moi, ils se tirent une balle dans le pied, lance le président de la Fédération pastorale. L’effarouchement, ce serait la condition pour une petite cohabitation, et sans faire de mal à l’ours. » Mais quoi qu’il en soit, « c’est une aberration qu’on attaque ces effarouchements, qui sont des effarouchements simples qui nous aident à repousser les ours lorsqu’ils attaquent. Comme toujours, on est au bout de la chaîne et c’est nous qui subissons… »
Contactée, l’avocate de l’association One Voice, Me Hélène Thouy, n’a pas donné suite à nos sollicitations.