extrait de Taillefer François. Le glacier de l’Ariège dans le bassin de Tarascon. In: Revue géographique des Pyrénées et du SudOuest, tome 48, fascicule 3, 1977. pp. 269-28
3. Le glacier de la Courbière.
Le glacier de la Courbière, sur le versant N-E du massif primaire des Trois-Seigneurs, n’était en rien comparable aux glaciers de l’Ariège, de l’Aston et du Vicdessos venus des hautes montagnes. Son bassin, beaucoup plus petit, était aussi formé de montagnes plus basses (Pic des Trois-Seigneurs 2 199 m). Principalement alimenté par les cirques qui échancrent le versant nord de la longue crête qui relie le pic des Trois-Seigneurs au Roc de Querquéou (1 840 m) par le Pioulou (2 166 m), il bénéficiait cependant d’une exposition favorable et formait un glacier composé qui recevait en particulier le glacier d’Artats à Gourbit, juste en amont de l’étroite cluse qui lui permettait de pénétrer dans le bassin de Tarascon. Ces cirques sont aujourd’hui occupés par de petits lacs (étang Bleu 1 790 m, étang d’Artats 1 695 m). Une phase de stationnement plus tardive est représentée, à 840 m d’altitude, immédiatement en amont de la cluse par laquelle la vallée pénètre dans le bassin de Tarascon, par les moraines latérales de Gourbit sur la rive gauche et de la Freyte sur la rive droite. Le triple cordon morainique de Gourbit obture la vallée affluente d’Artats. Lorsqu’elles se sont édifiées, le glacier d’Artats ne rejoignait plus celui de la Courbière. Il se terminait 1 200 m en amont, vers 1 000 m d’altitude. Son stationnement à cet endroit est attesté par deux puissantes moraines latérales longues de 800 m et très bien conservées. Elles s’enracinent à 1 350 m d’altitude et descendent jusqu’à 1 050 m. Plus haut en amont, sur la rive gauche du déversoir de l’étang d’Artats, un cordon morainique à 1 600-1 650 m d’altitude correspond à un stationnement plus tardif. Dans le bassin de Tarascon, la dépression de Rabat, Banat et Surba, que traverse le cours inférieur de la Courbière, n’a pas été creusée par cette rivière ni par le glacier du même nom qui venait s’y déverser. Elle doit son ampleur au travail du glacier de l’Ariège, beaucoup plus puissant. Entre Quié et les abords de Gourbit, l’ombrée du chaînon de Vente Farine et du Cap de Couronnes porte des formes de sculpture marginales dues aux eaux de fusion (gouttières latérales isolant des bosses rocheuses), mais surtout d’abondantes moraines. Celles-ci emplissent le vallon de Balières. Les blocs cristallins forment près de la métairie ruinée de ce nom de véritables chaos. On les rencontre jusqu’à 900 m en contrebas du col du Trou. Au sud de Rabat, le replat de Tillary, à la topographie chaotique, est aussi recouvert par une moraine à gros blocs. La moraine n’y dépasse pas 850 m d’altitude. Dans le Bois de la Garrigue, elle est recouverte par les éboulis descendus du Sommet de Vente Farine. Elle représente les dépôts de la phase d’extension maximum, pendant laquelle le glacier de la Courbière rejoignait la diffluence ariégeoise. Sur la soulane, au pied de la Roche Ronde, la même diffluence a déposé une puissante moraine. Comme on pouvait s’y attendre en raison de l’exposition au midi, la limite supérieure atteinte par la moraine n’excède pas 800 m. Le glacier de la Courbière, barré par le chaînon du Mont, n’arrivait pas jusque là. La langue diffluente s’amincissait normalement vers son extrémité et la glace n’atteignait pas des altitudes aussi élevées que près de Quié. En contrebas de cette ceinture morainique correspondant à la phase d’extension maximum et de stationnement du glacier ariégeois, le fond du bassin de Rabat – Banat – Surba est occupé par trois terrasses étagées que nous avons décrites dans un autre travail (1960) : la terrasse de Contrac (680 m), celle de Surba (560 m), celle de Florae (490 m). La présence de ces terrasses prouve que lors de leur formation il n’y avait plus de glace dans ce bassin : elles sont en rapport avec la disparition par étapes des glaces de la diffluence ariégeoise